mardi 31 mai 2016

À mouche égale, on compare les nœuds (collaboration spéciale de Maxime Boisvert)

Tout d'abord, je tiens à remercier Maxime pour la magnifique soirée de pêche. Que de plaisir de le côtoyer dans les flots. Il est mon partenaire de pêche privilégier, redoutable moucheur. Il est tout aussi redoutable avec la plume et je lui ai proposé d'écrire un article sur le blogue, ce qu'il s'empressa d'accepter, soulignant ma paresse au passage. Voici donc le récit de notre pêche d'hier soir, écrit par Maxime Boisvert, collaborateur spéciale des Éphémériades.  

C'est tout de suite en revenant du Bas-Saint-Laurent que j'allai rejoindre Martin au «pont» pour une partie de pêche à l'achigan. Mon ami ayant pêché ce cours d'eau plus tôt dans la semaine, nous décidâmes donc de marcher un peu pour atteindre la rivière plus en amont et ainsi laisser un répit aux poissons dont la lèvre était fraîchement trouée et les muscles probablement encore fatigués. Cela nous laissa l'occasion d'observer l'eau: plutôt limpide malgré les fortes pluies de la veille, nous n'aurions aucun mal à repérer le black-bass.

La pêche commença dans la générosité.

Rivière ridée par le vent

- Tu vois le gros là-bas, près de la pierre submergée? Prends-le.

Martin connaissait la bête. Il l'avait prise l'été passé. Le centrachidé de trois livres et demi, en gobant sa mouche, lui avait offert un combat qui, à mon avis, est encore bien gravé dans sa mémoire! Mon compagnon de pêche jugea tout bonnement que c'était à mon tour de valser avec le monstre. Chose que je fis, et c'est lui qui menait le bal. Deux bons hors de l'eau qui atteignirent le mètre en hauteur, suivis de vives saccades qui allèrent de droite à gauche et vice et versa. Et je tendis la ligne de plus en plus pour rapprocher l'acrobate... jusqu'à ce que ce dernier réussisse à casser mon avançon. Je remarquai plus tard que la ligne n'avait pas été cassée, mais que le noeud de ma mouche s'était relâché! Un noeud de pêche ne se délie que pour deux raisons. Soit le poisson sait faire des prouesses avec sa langue et peut dénouer aisément des mouches ( à la manière inversée du truc de la queue de cerise), soit le noeud est tout simplement mal effectué. Dans ce cas précis, j'optai pour la deuxième option: erreur technique (n'est-ce pas Martin?) N'empêche que le combat fût stimulant et que ma saison de pêche démarra bien! J'avais maintenant bonne confiance de prendre du poisson dans la soirée.


Maxime au lancer


Il me semble que nous étions tous les deux, Martin et moi, appareillés avec des Wooly Bugger en commençant la pêche. (Note à moi-même : ne jamais utiliser la même mouche qu'un autre pêcheur au même moment que lui. La raison est toute simple. En ayant des mouches différentes, si lui prend plus de poisson que moi, je m'en sauve en disant que c'est à cause de sa mouche. Si c'est moi qui prend davantage, c'est bien sûr parce que j'ai fait un meilleur choix quant à l'habillage de mon hameçon. Avec des leurres identiques, le pêcheur qui ferre le moins de poisson n'a pas d'autres choix que s'avouer vaincu. Et ça, jamais.) Martin attrapa la première prise de la soirée (en ne comptant pas l'achigan capable de dénouer du fil dans sa bouche), un joli spécimen atteignant presque une livre.  De mon côté, je me rendis vite compte que j'obtiendrais probablement plus de succès avec une Mickey Finn...

Martin changeant de mouche

Juste après le coude de rivière suivant, un spot attira mon attention. Le talus (lire berge cultivée trop près de l'eau et très érodée) était de forme presque concave et offrait un ombrage intéressant sur le premier mètre de surface d'eau. Le courant y était léger et la zone parsemée de petits rochers submergés. Martin me confirma, grâce à des verres polarisés, qu'un flanc écailleux et brillant semblait bouger à cet endroit. Je remplaçai au feeling le Micker Finn par un streamer jaune un peu plus imposant (taille 10 environs) que je déposai assez doucement entre deux rochers. Clac! Attaque presque instantanée! L'achigan livra une bonne bataille qui dura quelques minutes et je le sorti de l'eau, juste le temps d'observer ses belles rayures dorées et ses yeux rouge-orangés. Il put ensuite regagner son nid. N'ayant pas péché de l'été l'an dernier, j'avais presque oublié ce qu'était le sentiment de voir une mouche se faire attaquer en surface! Un genre de déclic dans la concentration, une cassure dans la contemplation, qui enclenche aussitôt l'éveil total des sens. Le gobage est sans aucun doute le moment de la pêche que je préfère. En quelques fractions de seconde, le ferrage doit se faire, le combat commence!

La pêche continua comme ça durant près de 3 heures. Martin et moi prîmes encore un ou deux poissons chacun. La rivière coulait tranquillement de chaque côté de nos bottes et l'odeur des pruches s'affirmait de plus en plus. Nous décidâmes de quitter la rivière lorsque les carpes patrouilleuses semblèrent prendre le relais des eaux pour le quart de soir et que les petits soldats rayés que nous traquions se firent de plus en plus rares. Tout de même, Martin ferra un dernier achigan devant moi avant de partir... C'était évidemment, et vous l'aurez deviné, à cause de sa mouche.

Le dernier achigan de la soirée 

Maxime Boisvert 30 Mai 2016


samedi 28 mai 2016

Pêcher des achigans... et puis mourir

En ce samedi soir ensoleillé et chaud au possible (30 degrés au mercure à 18h00!), je n'avais qu'une envie : mettre mes waders et marcher dans la rivière pour me refroidir le corps et m'apaiser l'esprit. Je ne réussi mon pari qu'à moitié. La rivière était tellement chaude que je ne fus nullement tempéré, mais les achigans étaient au rendez-vous et cela fit du bien à l'âme.

Cette portion de la rivière, je commence à la bien connaître. J'y vais depuis 5 ans environs et, en saison, je ne suis jamais revenu bredouille. Les achigans sont vifs, agressifs et mordent votre mouche avec régularité. S'en est presque trop facile, mais pour débuter la saison, c'est justement ce qu'il faut; un peu de confiance sous la forme d'une dizaines d'achigans acrobates et bien combatifs.

Ajouter une légende 

J'ai appris à connaître leur cachette et, ce soir, j'avais bien envie d'aller les en extirper pour un petit bonheur saturnien. Je fus servi. La rivière, comme je l'ai dit, était chaude et le niveau aussi bas qu'on le voit en Août. Le fond de cette portion de la rivière est étonnement limpide et on y voit à plusieurs mètre devant soi.

On voit magnifiquement bien à travers les flots


Le temps de 3 ou 4 lancers, je tenais déjà un premier poisson, mais à voir le combat, je reconnu que j'avais ferré un crapet de roche. Bigre! il n'était pas vilain et tournait autour de la livre.


Cela brisa la glace pour moi cette année et me mit en appétit pour le reste de la soirée. Il est important de noter que je remet tous mes poissons à l'eau, surtout que nous nous trouvons en plein dans la période de fraie pour l'achigan. Cela peut être contestable d'aller les déranger pendant cette période puisqu'ils sont en mode « attaque à vue » pour défendre leur nid et/ou leur progéniture. À cette période de l'année donc, je tente de raccourcir le combat pour empêcher que les poissons perdent trop d'énergie et ne puissent défendre leur rejetons convenablement par la suite.

Crapet de roche plutôt baquet
Cette précision faite, je dois dire que la soirée s'est bien terminée avec une belle surprise, qui justement, me laissa une certaine amertume malgré tout. Arrivé près d'une structure du pont ferroviaire qui traverse la rivière, je lançai ma mouche un peu à l'aveuglette, car le soleil ne plombait plus à cet endroit et le reflet de l'eau me rendait incapable de voir le fond. Tout de même, l'endroit semblait bon et je pris effectivement un beau poisson : mon léviathan de l'année dernière. Comme quoi, la remise à l'eau ça peut fonctionner et procurer un plaisir renouvelé de saison en saison. J'espère toutefois ne pas l'avoir trop épuiser, car il (ou elle, je n'en suis pas sûr) doit être le plus gros géniteur de cette portion de rivière et je compte bien revenir pêcher ses enfants dans le futur.



Je vous laisse, encore un peu tremblant de ce dernier acte de pugilat fluvial, avec quelques clichés de la soirée.


Vieux pin
Premier «petite bouche» de la saison
La « Palette » que j'ai du mal à tenir au bout des doigts
The road goes ever on an on...



mercredi 25 mai 2016

Petite partie à trois... de pêche, de pêche

Je tiens d'abord à expliquer ce petit hiatus (deuxième assertion du Larousse et non la troisième). J'ai fait une petite pause d'écriture et de pêche puisque c'était une fin de semaine chargée. En effet, la petite production de champignons entreprise avec trois excellents amis commence à décoller et nous avions une fin de semaine d'inoculation. Me revoici donc avec le récit de pêche de la semaine dernière.

Hugo qui analyse la rivière
Jeudi soir dernier, j'avais une rage de pêche et cela tombait bien, car il en était de même pour mon ami Maxime. Le rendez-vous entendu, je me mis en route pour la rivière, un endroit magnifique, calme et isolé. Surprise! Mon ami Hugo était de la partie. Il est désireux d'en connaître plus sur la pêche et est d'un enthousiasme qui rend les choses agréables.

Nous nous mirent donc en chasse après quelques lancers d'échauffement dans la fosse près de l'entrée. Le temps plus que clément des derniers jours crée un contraste frappant avec les mercures qui avoisinaient les 10 degrés ces semaines précédentes. C'est comme si la saison avait prit son envol, sans avertissement. Les feuilles sont maintenant au 7/8ème de leur taille estivale et les eaux sont basses comme en cette même saison.

J'étais très heureux de faire découvrir cette petite rivière cachée à mes deux amis. La beauté du lieu les a marqué je crois. Je fus marqué aussi. Même après l'avoir visitée à plus d'une dizaine de reprises l'année dernière, m'être arrêté dans chacune ses fosses et humer tout ce qu'il y avait de fragrance de sous-bois que cet endroit peut émettre, je fus tout aussi subjugué que la première fois.
Le coucher de soleil sur le boisé


Une petite averse aussi soudaine que forte nous donna espoir de voir la truite enfin mordre. La pluie est le refuge de chasse favoris de la truite; elle brouille l'eau de surface, rendant le poisson invisible aux prédateurs ailés et elle étourdit papillons, éphémères et autres insecte/poisson au menu de la truite et qui deviennent alors des proies faciles, un petit souper aux frais de la princesse.

Joie et déception se mêlèrent; nous ne prîmes pas de truites, mais nous eûmes droit, Maxime et moi, à quelques tentatives de gobage sur nos mouches, ce qui donne une décharge d'adrénaline qui vous remontre le long de la colonne et redescend dans vos bras, après un passage électrisant au niveau de l'encéphale.

Nous continuâmes un peu vers l'amont et nous fument bluffés par la magnificence du site, regorgeant de Chaga, de Clintonie boréale et de Vérâtre vert en pleine expansion.

Maxime au paradis, ou presque
Petites truites, vous ne perdez rien pour attendre, nous connaissons votre adresse.

dimanche 15 mai 2016

À côté de la track...

Les dimanches se suivent et se ressemblent. Encore une journée morne de pluie et de vent. Devinez quoi, je suis encore sorti pêcher. Bon, les conditions sont pires que la semaine dernière, mais qu'à cela ne tienne, je prospecte, pour les semaines à venir. Oui, l'eau est trop haute, oui elle est encore glacée et oui le courant est trop fort, mais tant qu'à être aux abords de la rivière pour prospecter, aussi bien amener ma canne et m'échauffer à quelques lancers, on ne sait jamais.

J'avais dans l'optique d'aller dégoter des petites mouchetées sur un spot qui abrite une jolie population indigène de ces truites, très en amont de la Yamaska. Arrivé sur les lieux, constat plutôt déplaisant; la rivière atteint un niveau pas loin de celui qu'elle arbore lors de la crue. J'ai fait quelques lancers sans trop d'enthousiasme et j'ai pris la décision d'aller marcher le long de la voie ferrée plus en aval. Pourquoi cette voie ferrée? Elle longe la rivière sur presque toute sa longueur et permet son observation et la découverte de spots intéressants sans trop de difficultés. Enfin, ça reste un chemin de fer, c'est fait pour les trains pas pour les bipèdes.


En train, à cheval, en Cadillac, j'suis toujours... 
Je me suis stationné pas très  loin d'un pont voisin de la track et j'ai commencé ma route. Les feuilles des arbres n'étant pas encore tout à fait rendus à grandeur mature, j'ai pu profiter d'une vue sur les montagnes environnantes et sur les collines d'un vert rappelant vaguement les Highland d'Écosse ou les plaines de la Verte Erin. Agréable spectacle. J'avais environs une demie-heure de marche à faire pour l'aller. J'avais un peu l'impression de refaire la marche du Calvaire de Jésus (référence biblique) ou la marche de l'Expiation de Cercei Lannister (référence biblique), sans la résurrection au bout. Enfin, s'il suffisait de marcher un peu pour avoir du poisson, les facteurs exhaleraient une odeur de chalutier, quoique ces derniers tendent à marcher de moins en moins, mais ça, c'est une autre histoire.

Je suis donc arrivé au bras de rivière qui m'intéresse particulièrement après une quarantaine de minute. Je ne fus pas déçu. La rivière longe le chemin de fer sur une portion d'environs 100 mètre, entre deux coudes. Dans le premier coude, l'eau est profonde et abrite plusieurs gros rochers ainsi que des arbres immergés; repaire de poisson. Les flots s'accélèrent ensuite suivant le fond qui remonte et les berges qui se rapprochent. Il en découle un rapide d'environs 1 mètre de profondeur sur une longueur de près de 30 mètres. Celui-ci débouche sur un autre coude similaire au premier. J'ai fait quelques bons lancers dans les circonstances (un vent assez puissant balayait la rivière de façon perpendiculaire) en changeant de mouches à quelques reprises.

Fin des rapides

Je me suis d'abord essayé avec une combinaison nymphe-sèche, puis j'ai opté pour un woolly bugger à tête de tungstène. Bien sûr, rien n'a mordu. J'étais tout de même content d'être là, malgré la pluie, malgré le vent. Faire un lancé réussi est une de ces choses qui vous font du bien, même sans résultats au bout de l'hameçon. C'est une sorte de thérapie en même temps qu'un joli phénomène de physique. Votre mouche pèse si peu qu'il serait gênant de la mettre sur une balance et pourtant, vous la propulsez à une quinzaine de mètres de vous. C'est la soie et la canne qui travail et vous aussi, mais si peu. Votre poignet engendre le mouvement vers l'arrière et il faut sentir le bon moment pour le ramener. Le moment ou la soie tire votre canne vers l'arrière pour en arriver à un instant, si court soit-il, où la canne, la soie et la mouche sont immobiles, tendus à point. Puis vous imprimer un mouvement vers l'avant, redirigeant toute cette énergie en direction de votre objectif. Après quelques faux lancers, vous sentez que tout se fait tout seul; vous êtes alors le chef d'orchestre du moment, ajustant seulement l'angle et la force du mouvement.

Je tombe parfois dans la lune, faisant des faux lancers à n'en plus finir, propulsant la soie de plus en plus loin à chaque retour de la canne, puis après avoir vidé une partie de mon moulinet, ma mouche de loge dans des branches derrières moi et me sort de ma rêverie. La méditation est terminée.

Petit rapide au tournant de la rivière

Pour revenir à mon histoire, j'ai vu une petite éphémère grise qui venait d'éclore dans le courant. J'avais dans ma boîte une paire d'Hendrickson, imitation la plus proche de l'insecte que je voyais. J'ai fait quelques lancers encore, en travaillant sur la dérive et la présentation, puis la pluie à commencée à s'intensifier et j'ai décidé de revenir sagement, avant d'attraper un rhume.

Ayant le spot bien en tête, je reviendrai dans quelques semaines. Pour pécher à la mouche sur la Yamaska, il faut être un peu à côté de la track...

dimanche 8 mai 2016

Toujours Bredouille

C'est avec très peu d'espoir de voir du poisson que je décidai de prendre mon matériel et de me rendre à la rivière. Ou peut-être en avais-je trop, d'espoir. Cela prend peut-être effectivement beaucoup d'espoir, d'enthousiasme ou de naïveté, comme vous voulez, pour enfiler ses waders et aller patauger dans une rivière encore trop froide, rivière dans laquelle d'ailleurs, vous n'êtes même pas sûr que les truites s'y trouvent, et ce, par une journée de pluie. On m'a souvent dit qu'il y avait de la truite dans cette rivière, mais on ne me dit jamais où la trouver, ni à quelle période de l'année ou du jour. Alors, je cherche. Pour ce qui est de la pluie, c'est une affaire de justice. Pas de justice divine, mais bien de justice de pêcheur. Si vous vous donnez la peine de glisser votre corps jusqu'à la taille dans une eaux presque glacée, de vous geler les mains et le visage et d'être trempé dès les premières dix minutes de pêches jusqu'à la toute dernière, vous vous dites qu'au moins un poisson devrait compatir avec votre souffrance et s'offrir en offrande pour prouver qu'une telle justice existe. C'est l'état d'esprit dans lequel je me trouvais en allant à l'eau.

Panorama d'une journée triste

En m'enfonçant dans la rivière brune et pleine de matériaux en suspension, la météo devint plus clémente avec moi. La pluie cessa et le soleil perçait un peu à travers les nuages. C'est probablement ce petit coup de mieux du ciel qui contrecarra l'équilibre mentionné ci-haut, équilibre qui selon mon calcul devait me donner au moins une prise, car je ne pris ni ne vis absolument rien, enfin, niveau poisson. Je ne puis donc même pas affirmer que la justice du pêcheur me doit crédit; les conditions n'étaient pas si mauvaises.

Vue sur la rivière

Encore bredouille, je testai toutes sortes de combinaisons et de techniques, dans toutes sortes de lieux pouvant abriter un représentant des salmonidés. Du San Juan Worm, en passant par le gros Woolly Bugger plombé, je testai même une imitation de petit papillon de nuit en sèche, question d'en avoir le cœur net. Je prospectai les rapides à la nymphe, je fis dévaler une noyée dans les différentes profondeurs des fosses et je larguai même une mouche (peut-on même appeler ça une mouche?) imitant une grosse larve bien juteuse sur les abords profond des rives, espérant faire réagir quelque chose (Timon et Pumbaa auraient adoré, mais je n'eus pas droit à un conte de Disney).

J'apprends. Lentement, mais j'apprends. Et je passe tout de même du bon temps, en pleine nature. C'est le printemps et les plantes se réveillent, comme en témoignent les fougères qui laissent poindre leurs premières crosses. Une belle photo, à défaut d'une truite, c'est déjà ça de pris...

Matteuccie Fougère-à-l'autruche

mercredi 4 mai 2016

La truite à Joe

Je vous ramène au mois d'août de l'été 2015. Après plusieurs semaines de paroles et de promesses, plusieurs semaines à se remonter mutuellement, j'amenai mon collègue de travail dans mon petit coin secret... enfin de moins en moins secret. N'empêche, Joe est quelqu'un en qui j'ai confiance. Un passionné de pêche, plus à la ligne qu'à la mouche, mais très efficace qui plus est. 

Je lui promis donc de l'aider un peu avec son lancer et j'avais confiance qu'il prenne une première truite à la mouche, lui qui en a déjà capturé un nombre incalculable à la ligne. Joe est mon aîné d'un nombre d'années qu'il est impoli de divulguer sur ce blogue et est un excellent collègue de travail à la ville. Il aime que les choses soient vite faites, bien faites. Il est toujours de bonne humeur, toujours le petit mot à la lèvre pour faire rire. Ce fut donc avec grand plaisir que j'entrevoyais cette soirée sur la rivière. 

En arrivant au stationnement, on nous nous parâmes de nos plus beaux habits ou du moins nos préférés : waders, bottes, casquette, lunettes polarisées, veste de pêche et canne bien sûr. Bien sûr... bien sûr la canne, qui oublierais son arme pour le combat, son fleuret, aussi précieux d'un organe; le prolongement de son bras! « Joe, t'en veux-tu une bonne? J'ai pas ma canne...».  Joe m'informa qu'on se partagerais la sienne sans problème, petit rire en coin. De bonne guerre. 

Cet oubli fut en fait un mal pour un bien. Je vécus mes premiers moments comme «guide», sur une rivière que je commençais à plutôt bien connaître. Joe est un habitué de la pêche à la truite, en lac et en rivière, mais avec une canne à mouche, j'avais un peu plus d'expérience que lui, un peu plus veut dire très peu, mais tout de même. Je m'en vantais depuis assez longtemps déjà.

Joe au «boulot»

Je «guidai» donc Joe sur la rivière, pour en arriver à la première fosse, toujours payante pour moi dans le passé. Joe s’évertua à lancer aussi près que possible de l'endroit parfait, il changea de mouche, se déplaça, rechangea de mouche, mais après une dizaine de minutes sans résultats, il me passa la canne: « Envoueille le jeune, pogne s'en. Y'en a même pas de truite dans ta rivière.» Un peu froissé dans mon honneur, je me mis à la tache de prendre un poisson. 

Mon amie la truite mouchetée ne me laissa pas tomber. J'en pris une au second lancé. Je ne voulu pas prendre d'air goguenard et je fus même un peu honteux de l'avoir fait mordre aussi rapidement. C'est que, comme je le fis remarquer à Joe, son lancer était juste un peu trop fort et la présentation s'en trouvait trop brutale.

Joe prospectant une petite fosse 

Arrivé à un second bon spot, Joe s'appliquât de belle façon et eu enfin des résultats. Ces lancés étaient maintenant plus qu'acceptables; bien précis et subtiles. Après un ou deux gobages manqués, je sentis la passion de Joe ressortir et son rythme cardiaque augmenter en flèche; symptômes du pêcheur tout à fait réguliers et bien documentés. Il la voulait cette truite à la mouche et il l'eût. Une magnifique mouchetée, aux couleurs typiques des hôtes de cette rivière avec une robe de toute beauté. 

La truite à Joe
 Je n'ai pas la prétention d'avoir appris quoi que ce soit à mon collègue, mais nous passâmes une superbe soirée ensemble, qui donna lieu à une foule d'anecdotes, de discussions et nous fis rêver, encore et toujours, à d'autres truites, reines discrètes de nos rivières.  

lundi 2 mai 2016

Définitivement encore trop tôt...

En ce lundi soir, après une journée à travailler à l'intérieur, j'avais envie de sortir me dégourdir le lancer un peu. Malgré la pluie et le temps plutôt frisquet, je me suis donc dirigé vers un endroit de pêche urbaine de prédilection : les chutes de l'usine de filtration. L'endroit est comme le nom, à moitié intéressant et à moitié répugnant. Tout dépend de l'attitude avec laquelle on entre dans l'eau. À voir le fond vaseux, tapis de conserves, de canettes et autres délectables items, on pourrait douter fortement du potentiel de pêche de l'endroit. Et pourtant...

L'évacuateur de crue, creusé à même la pierre
Les chutes offrent une source constante de nourriture et d'oxygène. Pendant les grandes chaleurs estivales, on y trouve surtout des achigans à petite bouche, aux dos noirs comme l'ébène. Ils sont agressifs, ils sont puissants et ils sont affamés. J'ai déjà capturé à cet endroit, un achigan d'environs 2,5 livres, ayant le corps maculé de marques de dents, vestiges de combats avec les autres poissons de la fosse. Un facteur de la qualité de la pêche au pied de ces chutes (je serais même tenté de dire «le» facteur) est la hauteur de l'eau. En effet, en début de saison, plusieurs poissons sont pris par le courant puissant qui marque la fin du lac Davignon, les chutes formant la reprise de la morphologie « rivière» de la Yamaska. Les individus ainsi emportés peuvent se retrouver directement dans la rivière, ou tomber dans la zone tampon que forment les petites fosses juste au-dessous des cascades. 

Dernière petite cascade avant le début de la rivière

Au printemps, les poissons ont encore un échappatoire, mais venu l'été, les fosses deviennent presque des entités indépendantes, reliées entre elles par une fine lame de courant superficiel, et elles emprisonnent les poissons dans leurs eaux, les rendant vorace au possible, pour notre plus grand amusement. Une autre source de plaisir provenant des chutes, est le fait que n'importe quelle espèce peut se trouver dans leurs eaux, à n'importe quel moment. Achigan, perchaude, crapet de roche, barbue de rivière, carpe, doré, maskinongé, truite arc-en-ciel, tous les poissons habitant le lac ou la rivière se rencontrent dans cette zone frontière extrêmement riche et diversifiée, contre toute attente. 


Je m'y rendais aujourd'hui pour tenter de prendre un représentant des espèces mentionnées ci-haut, n'importe lequel. J'avais avec moi ma canne à lancer léger, muni de mon kit de leurres tout usage. J'ai d'abord tenté ma chance avec une cuillère offerte par un grand ami, une cuillère scandinave pour poisson à corne et à barbe.

La cuillère que Gabriel m'a rapportée de Scandinavie
Le leurre étant d'un poids assez important, j'ai dû ajuster mon lancer. Une fois les tests effectués, j'ai pu prospecter des endroits assez éloignés avec une grande aisance. Aucune touche par contre. 

Je suis donc descendu plus au bas dans la rivière, là où la force du courant s'amenuise et où le fond forme une longue plaine plate, marquée par des roches dissimulées au fond. Je me suis attelé à explorer les zones les plus prometteuses comme le derrière des roches, les limites des langues de courants et les zones calmes et couvertes par la végétation. Pour ce faire, j'ai choisi la plus grosse offrande de mon attirail, le Black Fury numéro 5. La force avec laquelle cet appât tombe à l'eau effraie probablement les poissons des alentours, quid de son poids démesuré. Qu'à cela ne tienne, j'avais envie de le lancer. 

Black Fury numéro 5
J'ai effectivement pris quelque chose, après une dizaine de lancers. J'ai senti un poids sur la ligne et je ne savais pas ce que c'était aux premiers abords. C'était quelque chose d'un autre temps, une image d'une époque antédiluvienne, un représentant d'un âge révolu. J'avais, au bout de la canne, un cellulaire «flip», réel vestige d'une ère perdue.

La pêche urbaine et ses trophées
C'est tout ce que j'ai pris en ce lundi soir et je crois que c'était assez pour une soirée de pêche sous la pluie. L'eau et l'air sont toujours aussi froids, il est définitivement encore trop tôt...
  
La reprise de la forme « rivière » après les chutes